Ségolène Royal, qui publie Cette belle idée du courage (Grasset), revient sur la première année du quinquennat.
La France est en récession, Hollande a-t-il les bons outils face à la crise?
La question posée est celle de savoir si la France a les moyens d'un rebond. Dans mon livre, je dis qu'une personne humaine n'utilise que 20 % de son énergie, c'est la même chose pour un pays. Il faut remobiliser la France. Qu'on retrouve de la confiance, de l'espérance, qu'on soit entraîné sur de grands objectifs prioritaires. Il faut remettre en mouvement le moteur économique des PME, aller plus vite et plus loin dans la transition écologique. Beaucoup de bonnes choses ont été faites et beaucoup restent à faire.
La technostructure est-elle trop présente?
Elle pèse. Et c'est l'une des raisons de la résistance au changement. Quand on choisit la haute fonction publique avec des études payées par la nation, l'idéal serait de se tenir à ce choix. Les allers-retours entre le CAC 40 et les milieux financiers et le secteur public devraient être strictement réglementés. Certains se font un carnet d'adresses dans les cabinets ministériels ou la haute fonction publique et après retournent dans les secteurs à très hautes rémunérations. Dès lors comment toujours garantir que leurs choix soient vraiment faits dans l'intérêt général ? Avec le système de l'énarchie et des grands corps, la France est le seul grand pays dans ce cas… Comment mettre au service d'un pays le meilleur du public et le meilleur du privé sans collusion des rôles et mélange des intérêts ? Ce sujet mérite une vraie réflexion et une action."
"Il faut avoir la force de regarder dans chaque échec, l'ouverture de d'autres possibles"
Le courage est-ce de tenir ses promesses ?
En effet et, par exemple, les Français apprécieraient tout de suite le non-cumul des mandats. Qu'on fasse voter maintenant cette réforme. C'est un engagement du PS depuis des années. C'était une promesse importante, appliquons-la dès les prochains scrutins et pas à la fin du quinquennat. Ce serait un signe fort de la mutation politique, un exemple de la politique par la preuve. La détermination on l'a. Le courage pour le faire, il doit l'être à l'Assemblée et au Sénat.
Chez les socialistes, notamment au Sénat, il n'y a pas beaucoup de courageux…
(Rires.) Ils vont le devenir, je n'en doute pas. Et certains de leurs arguments sont recevables. Les parlementaires pour garder un ancrage local pourraient conserver un mandat de conseiller municipal ou général, mais sans fonction de président d'exécutif territorial.
Cela vous avait coûté d'abandonner le Parlement pour la Région?
Bien sûr, ça m'avait coûté. Ce n'est pas évident de transmettre un mandat difficilement acquis et pour lequel on a énormément donné pendant vingt ans. Mais nous devons tenir cette promesse, c'est la morale politique. On ne peut pas bien mener deux mandats en même temps, cela réglerait la question de l'absentéisme parlementaire. Les collectivités locales en auraient plus d'efficacité et les pouvoirs du Parlement s'en trouveraient renforcés, tout cela c'est bon pour la démocratie. Le non-cumul est de plus un symbole, cela ne coûte rien, c'est important en période de crise.
Le gouvernement recule aussi parce qu'il ne veut pas faire face à de nombreuses législatives partielles…
Je propose que comme pour les députés qui deviennent ministres et qui ne peuvent plus cumuler, leurs suppléants deviennent automatiquement députés ou sénateurs s'ils choisissent le mandat local aux prochaines municipales. Sans passer par une nouvelle élection. L'obstacle constitutionnel devrait être levé si on rédige finement la loi.
Je reste fidèle à ma région qui m'a toujours été fidèle"
Avez-vous digéré votre défaite à La Rochelle?
Je ne revis pas les mauvais moments, il faut se délester des violences vécues pour avancer. Et comme le dit Stéphane Hessel dont je décris les épreuves : "La gaîté est la forme la plus aimable du courage." Il faut avoir la force de regarder, dans chaque échec, l'ouverture d'autres possibles.
Vous vous représentez aux régionales en 2015, vous ne voulez pas entrer au gouvernement ?
Je n'ai ni regret ni rancune comme le dit Dilma Rousseff, l'un de ces "passeurs de courage" comme je les appelle dans mon livre. J'ai une liberté de parole que je n'aurais pas si j'étais au gouvernement et je l'utilise pour faire avancer notre cause commune.
Pour l'instant, je suis en phase avec ce que je peux apporter, ce que je sens harmonieux et utile. Je reste fidèle à ma Région qui m'a toujours été fidèle et dans laquelle nous avons lancé de beaux et grands projets comme le Symposium international de la chimie verte la semaine prochaine.
J'ai une responsabilité à la banque publique d'investissement (BPI) que je veux voir réussir au service des entrepreneurs et des emplois qu'ils créent. Je ne quitte pas la politique, j'ai des convictions fortes, je ne les abandonne pas.
Croyez-vous au match retour Hollande-Sarkozy en 2017 ?
Je ne fais pas de politique-fiction. En politique, rien ne s'écrit à l'avance. Et comme l'a fortement dit François Hollande jeudi, le seul objectif c'est le moment présent pour sortir notre pays de la crise et donner aux Français des raisons d'espérer.