Ségolène Royal invitée des "4 Vérités" de Fr2 par segolene-royal
Valérie ASTRUC
Ségolène ROYAL bonjour.
Ségolène ROYAL
Bonjour.
Valérie ASTRUC
Alors François FILLON hier soir sur FRANCE 2 a déclaré qu’il avait gouverné avec courage, mais qu’il avait un regret ne pas avoir fait la TVA sociale en 2007. Or, il se trouve que dans un sondage qui vient de paraître 63% des Français sont défavorables à cette TVA sociale. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Ségolène ROYAL
On s’étonne pourquoi le Premier ministre s’obstine alors que les Français sont massivement contre. Pourquoi les Français sont contre ? Parce que contrairement à ce qu’a dit hier monsieur FILLON l’augmentation de la TVA c’est une question de bon sens, va entraîner une augmentation des prix et les Français sont durement frappés par la vie chère, par la baisse des salaires, par la baisse des retraites, et donc ils ont besoin de pouvoir d’achat. Et d’ailleurs c’est avec le pouvoir d’achat qu’on pourrait relancer l’activité économique. Donc c’est un contresens aujourd’hui d’augmenter les prix.
Valérie ASTRUC
Alors Nicolas SARKOZY en privé à dit, pas en privé pardon, publiquement a dit que ceux qui étaient contre la TVA sociale se rendaient complices des délocalisations.
Ségolène ROYAL
C’est curieux parce que ça voudrait dire qu’on est capable d’augmenter la TVA que sur les produits importés. Ce qui n’est pas possible puisque le taux supérieur de TVA ne touche pas seulement les produits importés, il touche une partie seulement des produits importés.
Valérie ASTRUC
Il semble dire que François HOLLANDE se rend complice des délocalisations.
Ségolène ROYAL
Oui écoutez c’est tellement excessif, de toute façon ce qu’il faut c’est vraiment au-delà de ces batailles de chiffres parce que je ne sais pas trop ce que les Français ont pu comprendre hier du débat, franchement. Il faudrait peut-être en revenir à des débats politiques de fond qui parlent vraiment de la vie quotidienne des gens et qui mettent en face des propositions efficaces pour résoudre ces difficultés.
Valérie ASTRUC
Alors Nicolas SARKOZY en privé a déclaré que François HOLLANDE avait mangé son pain blanc, est-ce qu’effectivement il a grillé toutes ses cartouches ?
Ségolène ROYAL
Au lieu de s’occuper de François HOLLANDE monsieur SARKOZY ferait mieux de s’occuper des Français, il est encore aux responsabilités. On a l’impression que finalement ce n’est pas lui qui a présidé pendant cinq ans. Donc ce qu’on attend de lui c’est qu’il rende des comptes, et c’est qu’aujourd’hui en rendant ses comptes les Français se rendent compte précisément qu’il est urgent de changer et que le changement c’est maintenant, comme dit notre candidat.
Valérie ASTRUC
Alors c’est la première fois quand même qu’un candidat socialiste ne propose rien sur le SMIC, ne propose pas d’augmenter le SMIC. On se souvient que vous en 2007 vous aviez proposé d’augmenter le SMIC à 1 500 euros, qu’est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous le regrettez ?
Ségolène ROYAL
Ecoutez c’était dans le projet des socialistes, donc j’avais été d’une certaine façon contrainte de reprendre cette proposition parce que si je ne l’avais pas reprise on aurait dit vous voyez la candidate est en décalage par rapport au projet des socialistes et refuse d’augmenter les bas salaires. Mais on s’est très bien rendu compte au cours de cette campagne qu’il ne suffit pas d’augmenter le SMIC mais tous les bas revenus, et les gens qui étaient au-dessus du SMIC se disaient et nous qu’est-ce qu’on va devenir. Donc l’augmentation du SMIC ne se décrète pas. C’est pour ça que ce n’est pas dans le projet du candidat, c’est le résultat de la relance de l’activité économique.
Valérie ASTRUC
Mais vous regrettez qu’il n’y ait pas grand-chose sur le pouvoir d’achat de la part de François HOLLANDE ?
Ségolène ROYAL
Mais il y a des choses, il y a beaucoup de choses sur le pouvoir d’achat indirectement puisqu’il y a la question de la maîtrise des prix, il y a la question de la réforme bancaire qui va permettre aux PME de se développer donc d’embaucher et de payer des salaires. Il y a la rénovation du dialogue social qui va permettre au sein de l’entreprise de mieux répartir les résultats de l’entreprise entre la rémunération du travail et la rémunération du capital. Il y a une justice fiscale qui va permettre de redonner du pouvoir d’achat parce que ça va alléger l’impôt sur les bas et sur les petits, et augmenter l’impôt sur les gros. Donc c’est un ensemble des réformes économiques et sociales qui doit permettre de réinjecter du pouvoir d’achat absolument indispensable ; et la maitrise des loyers qui redonne aussi du pouvoir d’achat parce qu’aujourd’hui 20% en moyenne et même un peu plus du budget des ménages est consacré au logement alors qu’il y a quelques années ce pourcentage était moindre.
Valérie ASTRUC
Alors mardi prochain vous allez tenir votre premier meeting de campagne à Marseille. Qu’est-ce qui manque à François HOLLANDE que vous pourriez vous lui apporter ?
Ségolène ROYAL
Mais tout le monde peut apporter quelque chose à notre candidat.
Valérie ASTRUC
Oui mais vous personnellement ?
Ségolène ROYAL
Moi personnellement, il m’a demandé de mobiliser les électeurs qui sont venus massivement en 2007 dans les quartiers populaires parce que je vais par exemple dans les quartiers Nord de Marseille, c’est à 95% que les gens ont voté pour la candidate socialiste. Donc c’est important de retrouver cet électorat qui aujourd’hui est désespéré parce qu’il a été abandonné pendant 5 ans, souvenez-vous la droite avait promis un plan Marshall pour les banlieues, les banlieues n’ont rien vu.
Valérie ASTRUC
On n’en parle pas beaucoup de ces banlieues justement dans cette campagne.
Ségolène ROYAL
Non, elles sont abandonnées, elles sont marginalisées, il y a des taux de chômage des jeunes qui va parfois jusqu’à 60% dans certaines banlieues. Le recul de l’Education Nationale a frappé les banlieues alors que l’espérance de promotion sociale pour les plus démunis c’est l’école, et c’est l’école de la République. Il n’y a plus de possibilité d’accès à la santé donc là aussi moi je considère que les banlieues ce n’est pas un problème c’est une partie essentielle de la solution et que l’énergie des jeunes dans ces banlieues c’est un élément très positif pour la France que nous devons mettre cette énergie au service de la croissance.
Valérie ASTRUC
Un mot sur les 500 signatures que Marine LE PEN semble visiblement avoir du mal à récolter, est-ce que d’abord est-ce que c’est du bluff et est-ce que le Parti socialiste doit aider Marine LE PEN à avoir ses signatures ?
Ségolène ROYAL
Je ne sais pas si c’est du bluff, ce que je crois c’est que le Front national doit avoir un candidat parce qu’il y a un vrai courant de pensée et que si on veut combattre les idées du Front national il faut pouvoir faire en sorte qu’il y ait un candidat du Front national.
Valérie ASTRUC
Et le PS doit aider ?
Ségolène ROYAL
Non, ce n’est pas au PS de donner les parrainages, c’est aux maires qui partagent les idées de Marine LE PEN, de donner ces parrainages. Mais il y a un problème parce que les maires ensuite se font sanctionner.
Valérie ASTRUC
Alors est-ce qu’il faut rendre ces signatures anonymes ?
Ségolène ROYAL
La difficulté de l’anonymat c’est que ça va aussi susciter de multiples candidatures.
Valérie ASTRUC
Et vous êtes favorable ou pas ?
Ségolène ROYAL
Et la dispersion des candidatures n’est pas non plus une bonne chose dans un débat présidentiel. Donc c’est une vraie difficulté, je crois que c’est à Marine LE PEN de se montrer plus convaincante à l’égard des maires. Et c’est aussi qu’il y a un esprit républicain, c’est-à-dire que les maires qui donnent leur parrainage à Marine LE PEN ne se voient pas ensuite sanctionner soit au niveau des subventions, des différentes collectivités territoriales, et en même temps les électeurs ont la liberté aussi de sanctionner les maires qui ont donné leur parrainages parce qu’ils ne se retrouvent pas dans ce parrainage les maires des communes, c’est ça la difficulté.
Valérie ASTRUC
Pour terminer un mot sur l’entreprise LEJABY.
Ségolène ROYAL
Oui.
Valérie ASTRUC
On a vu hier Martine AUBRY se féliciter que le gouvernement ait trouvé un repreneur. Est-ce que vous aussi vous vous féliciter de cela ?
Ségolène ROYAL
Je voudrais dire deux choses, d’abord LEJABY ce n’est pas seulement Yssingeaux, c’est-à-dire qu’il y a encore trois ou quatre autres sites qui sont menacés, donc attention aux effets d’annonces qui font croire qu’à 80 jours le gouvernement sauve des usines, on ne va pas faire des élections présidentielles tous les 80 jours pour sauver les usines. Moi je me souviens d’AUBADE l’année dernière où le gouvernement n’a pas bougé, cette entreprise a été délocalisée. J’avais demandé l’interdiction de délocalisation des marques, parce que c’est ça qui incitent les entreprises françaises de luxe à délocaliser puisque avec les usines, avec les machines partent les marques. Si on interdisait le départ des marques, si la marque était attachée au terroir, aux territoires et non pas le retour des fabrications qui uniquement en étant emballées en France peuvent porter le label made in France, donc il faut des réformes de fond pour empêcher ces délocalisations.
Valérie ASTRUC
Merci infiniment Ségolène ROYAL, bonne journée à vous.
L’dée de faire un genre d’AOC pour les marques, est une idée intéressante.
Outre que ça puisse mettre les bâtons dans les roues aux délocalisations, ce peut être un vrai plus. Aubade était un produit-phare de la lingerie de charme. La France y avait acquis une réputation mondiale, vraisemblement liée à la beauté des françaises, leur talent à se mettre ainsi en valeur et aussi, à la réputation coquine et sulfureuse que Paris s’était faite en Europe par le passé.
Délocaliser Aubade en Tunisie, comme l’avait fait le nouvel acquéreur, ce groupe suisse alémanique Calida, est au raffinement érotique de ce qui avait fait Aubade, ce que sont les patates au fromage des bûcherons de l’Emmental bernois par rapport aux mets parisiens les plus raffinés! Un massacre à la tronçonneuse! Après la Tunisie, ce sera peut-être la délocalisation en Chine ou je ne sais vers quels esclavagistes manufacturiers. D’Aubade, il ne restera que le nom, toujours plus vide de sens, à des années-lumières des charmantes françaises qui en avaient tant contribué à sa magie.
Il faudrait créer un pilotage stratégique commun aux AOC, une boîte à succès et idées utilisable par toutes les entreprises aux produits reconnus comme tels. Par exemple, dans le cas d’Aubade, si on avait osé approcher le Crazy Horse à Paris et tenter un partenariat publicitaire commun, alors je pense qu’il aurait été mutuellement bénéfique, tout en ancrant Aubade dans la France. Vraisemblablement que le chiffre d’affaire et les bénéfices d’Aubade auraient alors explosé. Souffler cette idée, n’aurait rien coûté cher à un modeste organisme d’Etat (Juste, y avoir les personnes adéquates avec de bonnes idées), mais il peut rapporter gros en termes de création d’emplois et de succès entrepreneurial.